Lana Del Rey - Born To Die

‘Regarde-moi, je suis celle qui réussit à dominer musicalement le globe en quelques mois seulement. Je me suis installée sans demander l’avis de personne et je ne compte pas quitter ce trône qui me sied bien, semble-t-elle vouloir nous dire.
C’est en janvier 2012 que l’incontournable Lana del Rey a pris possession de l’industrie avec ‘Born To Die’ annoncé en grandes pompes par le féérique ‘Video Games’. D’une harpe diablement envoutante, une instrumentale d’une fragilité stupéfiante, une voix percutante de sensibilité, des textes très bien choisis et un charme d’interprétation hors norme, est né un tube européen assurément proche de la perfection. Un titre plus que prometteur donc pour cette américaine qui ne déçoit cependant pas : l’opus est en effet à la hauteur des espérances. Son ouverture est assurée par le titre éponyme qui dresse remarquablement la couleur dominante de l’opus. La production épurée à l’extrême sous une voix fine, impudente et poignante de nonchalance offre indubitablement l’image d’une reine régnant sur le triste trône de la vie, dont la majesté exacerbée par le clip vidéo nous présente réellement le personnage. On est tenu et transporté jusqu’à la dernière seconde dans son univers impitoyable et intriguant bourré de pessimisme, mais qui plaît. On en redemande, et on n’est pas déçu.
On n’est pas déçu car cet opus brille par la créativité large et variée de Lana. L’aguicheur Off To The Races aux teintes hip-hop nous présente une Lana qui émoustille par des aiguës délicieusement enjôleurs, tandis que National Anthem renchérit le côté impudent de la miss par des textes épiques (‘Money is the anthem of success’) et une mélodie qui produit le même effet qu’une claque sur la figure. Lizzy impressionne par ses capacités vocales (oui oui) dans Blue Jeans là où elle se confesse dans des morceaux déchirants d’amertume que sont le magistral Dark Paradise et le nostalgique Summertime Sadness. Ce coffret de bijoux est toutefois illuminé par un diamant d’une rareté incommensurable, j’ai nommé ‘Radio’. Dans Radio, Lana del Rey procède à une mise à nu des plus complètes. Sa voix qui nous transperce jusqu’au entrailles, alimentée par des paroles qu’on adorera tous répéter et surtout cette mélodie sèche, intense et puissante font de ce 8ème titre le plus réussi du projet (pour moi).
C’est surtout autour de ces morceaux que se concentre Born To Die, bien qu’on apprécie les plus oubliables Carmen, ou l’américaine tourne en dérision la naïveté des hommes, Lucky Ones à la délicatesse éminente ou encore l’appel en détresse qu’est le refrain de Without You. Les seules erreurs seraient selon moi le peu digeste Lolita, faussement provocateur et qui s’autodétruit par une voix des plus imbuvables. This Is What Makes Us Girl, titre final de l’édition simple, déçoit par une composition des plus banales et des textes qui semblent empruntés au reste de l’opus, mais on pardonne aisément ces écarts de conduite face aux merveilles citées plus haut.
Cet album est insolent. De son air hautain, dédaigneux et fatal, Lana del Rey se présente comme une victime parmi tant d’autres de l’inévitable destinée de la vie qui est de mourir, mais qui aura suffisamment eu le temps de vivre pour le comprendre et nous l’enseigner avec froideur et objectivité. Une victime parmi tant d’autres qui aura toutefois compris comment s’imposer et s’installer sur son trône de reine maudite où elle nous observe et est observée. Car avec ‘Born To Die’, son hégémonie ne fait que commencer.